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1939-1940 : 272 combattants corses de la 173° DBA tombent face à l’ennemi


Raoul Pioli le Vendredi 12 Juin 2020 à 11:06

9 et 10 juin 1940 : 80° anniversaire des combats de la 173° Demi brigade alpine dans l’Aisne. 272 combattants Corses de la 173° DBA tombent face à l’ennemi. Raoul Pioli, membre de l’amicale régimentaire, rappelle cet épisode dans cette chronique



Document inédit représentant la cartographie des combats menés par la 173e Demi-brigade alpine le 9 juin 1940, avec une planche comportant les insignes des trois bataillons (Dr Amicale 173e et 373e RI)
Document inédit représentant la cartographie des combats menés par la 173e Demi-brigade alpine le 9 juin 1940, avec une planche comportant les insignes des trois bataillons (Dr Amicale 173e et 373e RI)
Dans l’imaginaire collectif national, les combats de mai et juin 1940 laissent planer un certain malaise liée à la défaite des armées françaises. Défaite certes, mais néanmoins valeureuse car la plupart de nos soldats se sont battus bravement avec ce qu’ils avaient, avant de succomber devant la puissance mécanique de l’adversaire. L’opiniâtre résistance de l’héroïque 173° Demi Brigade Alpine (173° DBA), dont le recrutement était composé de 3400 soldats, presque tous  originaires de la Corse, en est le témoignage éclatant. Comme leurs aînés du 173° RI de 1914-18, dont ils avaient hérité des traditions par filiation directe, les insulaires ont tenu leurs positions dans l’Aisne avec courage. Ils ne se sont repliés que sur ordre du commandement supérieur. Le comportement au combat la 173° DBA lui a d’ailleurs valu une élogieuse citation à l’ordre de l’Armée, ce qui ne laisse aucun doute quant à l’ardeur dont elle fît preuve sur le champ de bataille.



 Aussi, 80 ans plus tard, l’amicale régimentaire présidée par le commandant (h) François Antonetti (siège social à Borgo en Haute-Corse), secondé par l’inlassable secrétaire général Paul Stuart (Bastia), avait programmé un hommage bien mérité, à tous ces compatriotes méconnus, qui se sont bien battus mais dont on ne parle jamais. Lors des combats de mai et juin 1940, ce sont 272  d’entre eux appartenant à la 173° DBA,  qui tomberont les armes à la main et qui ne reverront plus leur île natale.
C’est ainsi qu’une délégation de  l’amicale régimentaire, devait aller s’incliner les samedi 13 et dimanche 14 juin 2020 dans l’Aisne, sur les lieux mêmes où les trois bataillons de la 173° DBA  résistèrent à l’avance de la Wehrmacht. Très exactement, ce sont les 9 et 10 juin 1940 à Roucy (1er bataillon), Concevreux (2° bataillon), Maizy (3° Bataillon) que se déroulèrent les tragiques combats d’alors. A Concevreux se dresse déjà une stèle, érigée en 1995, à la mémoire de l’héroïsme des combattants Corses d’alors. L’amicale avait prévu d’inaugurer, en association avec les trois municipalités concernées, trois plaques rappelant le souvenir des combats de la 173° DBA en 1940. Hélas la funeste pandémie du Coronavirus, avec toutes les mesures sanitaires restrictives en matière de circulation et de prévention des risques, en a décidé autrement. En accord avec les trois municipalités concernées, le projet a été reporté à une date ultérieure en 2021.
 
 
A défaut de déplacement sur le continent, l’amicale tient néanmoins à rappeler, succinctement, les combats au cours desquels la Demi-brigade s’illustra en obtenant une palme à son drapeau. Le récit des combats qui est proposé, se trouve être celui d’un témoin privilégié, en la personne du chef de bataillon Jules Toussaint Biancamaria qui commandait le 2° Bataillon, dont la garnison du temps de paix à était Ajaccio:
 

"Le 15 mai 1940, venant d’Alsace,  la 173° Demi brigade alpine s’installe sur un très grand front entre Maizy et Pontavert, dans l’ordre de l’ouest à l’est : 3ème bataillon, 2ème bataillon, 1er bataillon. Les unités sont installées face au canal de l’Aisne et à l’Aisne. Vers la fin mai les villages de Beaurieux, de Cuiry-les-Chaussardes, de la Fontaine du Vivier sont occupés par l’infanterie allemande.
Le 9 juin vers 3 h 30 un violent bombardement est déclenché sur toute la position. A 7 heures l’attaque générale se déclenche. A droite c’est le passage de l’Aisne, à l’ouest de Pontavert, à gauche l’ennemi passe la rivière, à l’ouest de  Maizy, au sud d’Oeuilly où il trouve aucune résistance, le 6ème RI ayant reçu l’ordre d’occuper d’autres positions
Dès 9 heures deux points d’appui du 3ème bataillon, à l’ouest de Maizy, sont enlevés. Une contre attaque dégage cependant Maizy. Le 2ème bataillon ne perd aucun point d’appui. A 15 heures, l’ennemi reprend l’attaque. La situation s’aggrave rapidement à droite et à gauche de la ½ brigade. A droite elle est contournée par manque de renforts, et à gauche le 3ème bataillon est attaqué de front, de flanc et de revers. Devant le 2ème bataillon la poussée devient plus violente et les munitions s’épuisent rapidement.
A 16 heures la situation de la ½ brigade est la suivante : à droite la 5° compagnie est sans munitions à 400 mètres du PC de la ½ brigade. A gauche, le 3ème bataillon résiste énergiquement mais son diapositif est disloqué, il se défend à la grenade et brûle ses documents. Au centre tous les points d’appui ou de surveillance installés sur l’Aisne sont tombés ou encerclés. Les points d’appui du canal (ligne de résistance) tiennent. Le PC de la ½ brigade ne répond plus aux appels de TSF.
A 21 h 30, arrive l’ordre de replier sur le village de Romain. Il est aussitôt envoyé aux compagnies et à 23 heures le décrochage commence…… ».    
                    
Sources du récit : Témoignage écrit du chef de bataillon  J.T. BIANCAMARIA, commandant le 2° bataillon de la 173° DBA., extrait de son ouvrage « La Corse dans sa gloire, ses luttes et ses souffrances »  publié en 1963 aux éditions J. Peyronnet.  

Pour conclure, lors de ce que l’on appellera plus tard la « Bataille de France », près de 100 000 soldats français seront tués entre septembre 1939 et juin 1940, en tentant de défendre leur pays contre les troupes allemandes. La Corse en compte environ 460 dont 272, soit près de 60%, appartenaient à la 173° Demi-brigade alpine. Tous ces soldats, qu’ils soient de carrière, mobilisés en septembre 1939 ou bien recrues effectuant leur service militaire obligatoire, ont leurs noms  sur les monuments aux morts des communes, et sont donc inclus dans toutes les commémorations du 8 mai et du 11 novembre. Peut-être ne les honore-t-on pas assez du fait que 1940 reste toujours une année frappée de malheur pour la France.  En ce 80° anniversaire, l’amicale des anciens du 173° et du 373° RI, met un point d’honneur à exalter la mémoire des ses aînés tombés pendant le conflit de 1939-1940.
Raoul Pioli
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Au préalable, pour l’information des jeunes générations, il importe de préciser que le 173° Régiment d’infanterie  est arrivé en Corse en juillet 1913 et a participé héroïquement à la Grande guerre de 1914-18  d’où il est revenu avec un capital de gloire et l’élogieuse appellation de « régiment des Corses ». Il a ensuite changé de structure pour devenir le 173° Régiment d’infanterie alpine en 1926, et enfin, en septembre 1939, ses bataillons sont devenus autonomes au sein de la 173° Demi-brigade alpine. C’est cette dernière qui va participer et s’illustrer pendant la campagne de 1939-40.